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1. DILIGENCE RAISONNABLE
Fardeau : Balance des probabilités
Admissible pour : Les infractions de responsabilité stricte
Principe : Le critère pour établir la diligence raisonnable est que le défendeur démontre qu’il a pris toutes les précautions raisonnables pour éviter de commettre l’infraction. (C.P.P p. 107).
Précisions :
- Cette défense doit être en relation avec la commission de l’acte prohibé et non référer à un comportement plus large d’agir raisonnablement (La Souveraine, Compagnie d’assurance générale c. Autorité des marchés financiers).
- L’erreur de droit ne peut établir la diligence raisonnable. L’erreur fondée sur une mauvaise compréhension de la signalisation de stationnement correspond à une erreur de droit. (La Souveraine, Compagnie d’assurance générale c. Autorité des marchés financiers).
- La passivité n’ouvre pas la porte à la défense de diligence raisonnable (R. c. Commander Business Furniture inc.)
La diligence raisonnable et les conditions climatiques : Les défendeurs plaident parfois que c’est en raison des conditions climatiques qu’ils ont commis l’infraction malgré leur tentative de ne pas la commettre. Or, il ne faut pas oublier que l’article 330 CSR oblige à réduire sa vitesse lorsque le climat l’exige. Un défendeur pourra être acquitté s’il prouve qu’il a adapté sa conduite face aux conditions et qu’il a fait preuve de diligence raisonnable dans sa situation spécifique.
Dans Ville de Laval c. Collerette, on reproche au défendeur d’avoir contrevenu à l’article 368, soit le fait de ne pas avoir effectué son arrêt obligatoire. La preuve révèle qu’il y avait une plaque de glace de son côté de la rue et que l’autre moitié de la rue était simplement mouillée. Le défendeur avait repéré le policier d’avance. Il a adapté sa conduite et a freiné d’avance 2-3 mètres devant l’arrêt. Lorsqu’il est reparti, son véhicule a dérapé et il s’est laissé glisser jusqu’à l’autre moitié de la rue pour ne plus être sur la plaque de glace. Sa défense de diligence raisonnable est acceptée et il est acquitté.
Par contre, dans Ville se Ste-Anne-des-Plaines c. Chouinard, pour la même infraction, le défendeur a été reconnu coupable. Il plaide également les conditions climatiques. Il affirme avoir roulé à 35 km/h et n’avoir pu s’immobiliser même s’il avait freiné d’avance. Le juge affirme que le fait de rouler à une distance de 35 km/h était trop rapide pour les conditions de cette journée. De plus, il précise que, s’il avait réellement circulé à cette vitesse, il aurait pu freiner sur une distance de 100-150 pieds.
La diligence raisonnable et les infractions de stationnement : La défense de diligence raisonnable s’applique également pour les infractions de stationnement puisque la cour d’appel a confirmé dans la décision Ville de Saint-Jérôme c. Sauvé qu’elles constituaient des infractions de responsabilité stricte. Dans cette décision, la défenderesse est acquittée, car la neige l’a empêchée de voir les places de stationnement au sol et elle a ainsi payé le mauvais parcomètre.
Dans les cas où le défendeur paie le mauvais parcomètre, le tribunal exige tout de même que le défendeur ait procédé à une certaine vérification ou pris certaines précautions. Par exemple, dans Québec (Ville de) c. Gauvreau, le défendeur a été déclaré coupable, car il aurait pu facilement procéder à une vérification sommaire pour s’assurer qu’ils avaient payé le bon emplacement.
La défense de diligence raisonnable est également souvent utilisée pour les infractions de stationnement lors d’opérations d’entretient, par exemple le déneigement. Les défendeurs argumentent que la signalisation n’a pas été installée au moins 24h à l’avance. Or, il faut vérifier le fonctionnement de chaque arrondissement. De même, le tribunal ne tient pas compte seulement de la signalisation, mais aussi de la publicité de l’opération de déneigement. Par exemple, dans la décision Ville de Québec c. Lavoie, le défendeur s’est fait remorquer son véhicule en raison de l’endroit où il était stationné. La veille, il avait vu que d’un côté de la rue, il y avait de la signalisation temporaire pour des travaux. Il stationne donc son véhicule de l’autre côté, où il n’y en a pas. Lorsqu’il revient environ 24h plus tard, son véhicule n’est plus là. Il plaide que la signalisation devait être installée 24h en avance. Or, aucune réglementation n’établit ce délai pour l’endroit en question. Sa défense n’est pas acceptée. Il devait aller vérifier :
« De plus, il s’est écoulé à peu près 24 h entre le stationnement du véhicule et le moment où il revient à cet endroit sur la 12e Rue; comme le panneau qu’il y avait sur sa rue la veille indiquait des travaux de 15 h 30 à 24 h, la prudence exigeait qu’il aille faire la vérification sur l’autre rue puisque de toute évidence des travaux s’effectuaient dans son quartier » (par. 27).
Dans les décisions Ville de Québec c. Côté etVille de Québec c. Godin, 2018 QCCM 31, le tribunal a déclaré les défendeurs coupables malgré l’absence de signalisation, car l’opération de déneigement était amplement publicisée et une vérification sommaire aurait permis d’en prendre connaissance.
Autre cas de figure, dans la décision Ville de Québec c. Beaudin, le défendeur rapporte qu’après l’opération de déneigement sur sa rue, son entrée est restée bloquée par de la neige glacée. Il a communiqué avec le service de déneigement et on lui a affirmé que quelqu’un viendrait arranger le tout. Il se stationne donc sur la rue dans un endroit déjà déblayé et reçoit un constat. Le tribunal accepte sa diligence raisonnable. Il a été actif et a communiqué avec le service, de même qu’il a expliqué la situation lorsque la remorqueuse est venue.
2. ERREUR DE FAIT RAISONNABLE
Fardeau : Balance des probabilités
Admissible pour : Les infractions de responsabilité stricte
Principe :
L’erreur de fait raisonnable est ouverte à un défendeur qui croyait pour des motifs raisonnables à un état de fait inexistant qui, s’il avait existé, aurait rendu l’acte ou l’omission innocent (C.P.P. p. 107)
Précisions :
- Le défendeur doit démontrer qu’il a été actif dans ses démarches pour s’informer de ses obligations (C.P.P p. 109)
- Le caractère raisonnable varie en fonction selon les obligations imposées par le type d’activité (Directeur des poursuites publiques (DPCP) c. Cossette)
La distinction entre la défense de diligence raisonnable et l’erreur de fait raisonnable a été spécifiée par Hugues Parent dans son Traité de droit criminel, Tome 2, Éditions Thémis, page 341 :
« Alors que la diligence raisonnable s’intéresse au comportement de l’individu, aux moyens qu’il a utilisés afin de se conformer à la disposition en cause, l’erreur de fait raisonnable porte sur son état d’esprit et plus précisément sur la conformité de sa croyance subjective avec celle d’une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances (…) La bonne foi n’est pas suffisante pour dégager l’accusé de responsabilité si la croyance n’est pas accompagnée de motifs raisonnables. »
La défense d’erreur de fait raisonnable et les infractions de stationnement : Il s’agit un peu de la même logique que pour la défense de diligence raisonnable à l’égard de ce type d’infraction. Le tribunal exige une preuve minimale de vérification et de précaution pour que la défense soit acceptée. Par exemple, dans la décision Québec (Ville de) c. Bilodeau, la défenderesse s’est empressée de payer en raison de la pluie et s’est trompée d’emplacement. Le tribunal n’accepte pas sa défense, car elle n’a pas vérifié le numéro sur son reçu : « Sans dire que le Tribunal exige la perfection de l’état d’esprit de la personne raisonnable, il faut tout au moins une preuve de vérification, de précaution, d’une attention particulière, ce qui ne ressort pas du témoignage de la défenderesse en l’espèce ». La même logique est appliquée et l’accusé est trouvé coupable dans Québec (Ville de) c. Giroux.
La défense d’erreur de fait raisonnable est également soulevée à l’égard d’autres infractions.Par exemple, dans Ville de Saint-Georges c. Giguère, l’infraction alléguée est celle du délit de fuite au niveau pénal, soit l’article 171 CSR. Le défendeur a stationné son véhicule dans un espace très étroit et n’a pas senti d’accrochage. Un témoin l’a informé qu’il y avait eu un impact mais après vérification, le défendeur ne voit rien. Il quitte donc les lieux et entre dans le centre d’achat. Le juge rappelle que l’erreur de fait raisonnable comporte deux éléments, soit 1) une erreur de fait et 2) son caractère raisonnable. Le tribunal conclut que les deux éléments sont remplis. Le défendeur croyait sincèrement qu’il n’y avait pas de dommage sur le véhicule et le caractère minime de ceux-ci contribuent au fait que son erreur soit raisonnable. Il est acquitté.
3. ERREUR PROVOQUÉE PAR UNE PERSONNE EN ÉTAT D’AUTORITÉ
Fardeau : Balance des probabilités
Admissible pour : Les infractions de responsabilité stricte
Principe :
Les critères donnant ouverture à ce moyen de défense sont assez clairs (C.P.P p.118):
- La présence d’une erreur de droit ou d’une erreur mixte de droit et de fait
- La considération par son auteur des conséquences juridiques de l’acte accompli
- Le fait que l’avis obtenu provenait d’une personne compétente en la matière
- Le caractère raisonnable de l’avis
- Le caractère erroné de l’avis reçu
- L’accomplissement de l’acte sur la base de cet avis
Précisions :
Pour l’aspect raisonnable de l’avis, le caractère objectivement raisonnable et la confiance qui lui en été accordée sera évaluée à la lumière de l’ensemble des circonstances et, notamment (Lévis c. Tétreault) :
- Les efforts faits par le défendeur pour se renseigner
- La clarté ou l’obscurité du texte de loi
- Le poste et le rôle du fonctionnaire qui a fourni le renseignement ou l’opinion
- La précision, la fermeté et le caractère raisonnable de l’avis
Ont été acceptées les défenses suivantes (voir p. 121 C.P.P) :
- Attestation erronée de conformité d’un silencieux donnée par la SAAQ
- Défaut de la SAAQ de donner un avis quant à l’échéance des droits afférents au permis de conduire
- Émission erronée d’un permis de conduire restreint pour se rendre au travail
- Défaut d’un préposé de la SAAQ d’informer un citoyen que son permis de conduire arrivait à échéance
- Erreur d’un policier qui a donné 15 jours à un commerçant pour se procurer un permis
4. NÉCESSITÉ
Fardeau : Fardeau de présentation
Admissible pour : Les infractions de responsabilité stricte et absolue
Principe :
Trois critères clairs établis dans l’arrêt Perka donnent ouverture à cette défense (voir p. 122 C.P.P)
- Danger imminent (norme objective modifiée, on doit faire la preuve de la justification de la croyance sincère raisonnable)
- Aucune solution raisonnable et légale autre que d’enfreindre la loi (norme objective modifiée, on doit faire la preuve de la justification de la croyance sincère raisonnable)
- Il doit exister une proportionnalité entre le mal infligé et le mal évité (norme purement objective, il faut «déterminer, compte tenu des valeurs de la société, ce qui est approprié et ce qui est une transgression» (Latimer)
Précisions :
-Le défendeur n’est jamais obligé de prouver de façon prépondérante l’une de ces conditions. Pour être recevable, il suffit qu’il y ait dans la preuve du poursuivant ou du défendeur des éléments qui permettent d’entretenir un doute raisonnable quant à l’existence de ces trois conditions. Lorsqu’elle est vraisemblable, le poursuivant doit démontrer hors de tout doute raisonnable que la défense de nécessité ne peut réussir (Lewinsthtein).
-Si l’état de nécessité était clairement prévisible ou que c’est l’accusé qui l’a créé alors qu’il a prévu ou aurait du prévoir que ses gestes allaient mener à une telle situation, alors la défense n’est pas recevable.
La notion de faute contributive est élaborée dans la décisionBoissy c. Longueuil (Ville de). L’accusé circule sur sa moto à grande vitesse et un véhicule le suit de près. Le trafic ralentit. Il commet un excès de vitesse en donnant un coup de gaz pour se tasser à gauche et éviter la collision. Il invoque la défense de nécessité, car il a commis l’infraction pour éviter la collision. Le juge de première instance n’accepte pas la défense, car les gestes de l’accusé ont contribué à la situation. Il roulait déjà en haut de la limite et il n’a pas ralenti de façon préventive. Le danger était prévisible, donc non immédiat. Le juge en appel revient sur Perka et affirme qu’une faute contributive n’empêche pas nécessairement la défense de nécessité. Pour empêcher cette défense, la faute contributive doit avoir été la cause substantielle de la situation. Le juge affirme en l’espèce que la situation ne résulte pas substantiellement du comportement de Boissy mais plutôt du conducteur à l’arrière. Il ne faut pas oublier de considérer la contribution des tiers au péril. L’absence de comportement préventif peut empêcher la défense de nécessité seulement si c’est ça qui a causé la situation périlleuse, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Le tribunal ordonne un nouveau procès, car même s’il considère la défense vraisemblable, il reste à voir si la poursuite peut démontrer hors de tout doute raisonnable qu’il n’a pas agi en situation de nécessité et le tribunal d’appel n’est pas en position d’évaluer la crédibilité ou fiabilité de Boissy.
La défense de nécessité et les conditions climatiques : Il s’agit un peu de la même logique que pour la diligence raisonnable : il ne faut pas oublier l’article 330 C.S.R., qui oblige à adapter sa conduite. En cas de conditions climatiques extrêmes, la défense pourra être acceptée seulement si les critères sont réunis et que le défendeur a adapté sa conduite. Dans la décision Laval (Ville de) c. Langlois, la défense de nécessité face à l’arrêt obligatoire a été acceptée puisque l’état de nécessité vient du fait que le véhicule s’est retrouvé en sens inverse et non seulement des conditions climatiques. Il n’a pas fait son arrêt pour éviter une collision.
La défense de nécessité et les infractions de vitesse : La défense de nécessité est également souvent utilisée pour les infractions de vitesse. Les défendeurs amènent qu’ils n’avaient pas le choix de rouler à telle vitesse pour éviter une collision. C’est le cas dans la décision Montréal (Ville de) c. Yanofsky, où le tribunal a affirmé que le défendeur avait lui-même causé l’état de nécessité en roulant en haut de la limite permise et en suivant de près les véhicules. De plus, au moment où le policier l’a capté, il n’y avait plus de danger imminent et le défendeur n’a pas ralenti : «L’état de nécessité n’est pas perpétuel il n’existe que le temps pendant lequel le danger est imminent et irrésistible». Le tribunal applique la même logique dans Directeur des poursuites criminelles et pénales c. Brunet, et ajoute que « l’impatience, la commodité, un inconvénient ou un agacement ne constituent pas des situations de nécessité ».
Dans la décision Laval (Ville de) c. Boudreau, le défendeur plaide également qu’il n’avait d’autre choix que de rouler vite puisqu’un camion se préparait à changer de voie pour la voie du défendeur en n’ayant pas aperçu ce dernier. Le tribunal n’accepte pas sa défense, car le défendeur était déjà en infraction et avait d’autres options pour éviter la collision; il pouvait ralentir ou encore klaxonner : « En faisant le choix de maintenir sa vitesse illégale au moment où il perçoit la présence du camion, le défendeur agit volontairement et l’infraction qu’il commet par la suite en accélérant encore plus n’est pas involontaire ».
La défense de nécessité et les infractions de vitesse dues aux urgences médicales : La défense de nécessité est également souvent utilisée par les défendeurs pour soutenir le fait qu’ils devaient se déplacer pour répondre à une urgence. Dans la décision Québec (Procureur général) c. Jutras, la défense a été acceptée, car le défendeur devait changer son appareil médical par peur d’avoir une infection. Dans Montréal (Ville de) c. Kelendji, le défendeur plaide la nécessité pour son infraction de vitesse, car le système d’alarme avait été actionné chez son père âgé et malade. Elle n’est pas acceptée, car les policiers étaient déjà en route et allaient arriver avant lui, ce qui constitue la solution de rechange. Il ne pouvait rien faire de plus qu’eux : « Le Tribunal est convaincu que le défendeur croyait sincèrement que sa présence auprès de son père était nécessaire, mais cette croyance, bien que sincère, ne rencontre pas la norme d’évaluation objective modifiée ».
Des médecins font également appel à la défense de nécessité lorsqu’ils doivent se présenter en urgence pour voir un patient. Dans ces situations, le tribunal observera des critères comme la spécialité du médecin ou le fait que les ambulanciers pouvaient répondre à l’urgence. Dans la décision Montréal (Ville de) c. Ghostine, la défense de nécessité est acceptée, car le défendeur est un médecin de garde en neurologie et il y a un risque de perte d’usage des membres inférieurs pour le patient. De plus, il a quand même été prudent dans son infraction. Dans les décisions Ville de Laval c. Nicolas et DPCP c. Lallier, les médecins ont également été acquittés puisqu’ils étaient les seules ressources pour les interventions nécessaires. Par contre, dans la décision Ville de Montréal c. Nada Maalouf, la défense de nécessité n’a pas été acceptée, car le 911 pouvait répondre à l’urgence et la médecin l’a elle-même proposé. De plus, le critère de proportionnalité n’a pas été respecté puisqu’elle a roulé à 114 km/h dans une agglomération urbaine.
5. IMPOSSIBILITÉ
Fardeau : Fardeau de présentation
Admissible pour : Les infractions de responsabilité stricte et absolue
Principe :
Il faut démontrer la survenance d’un empêchement inexorable et fortuit. La preuve doit être compatible avec les trois propositions suivantes (Énergie CA inc.) :
- Le défendeur n’a pas contribué à la survenance de l’événement.
- Il a tout mis en œuvre afin de surmonter cet obstacle et se conformer à la loi.
- Toute autre personne raisonnable aurait pareillement échoué.
Précisions :
- Cette défense est régie par la règle de la vraisemblance. Si le défendeur a un fondement de preuve suffisant, la poursuite doit réfuter hors de tout doute raisonnable le moyen de défense.
La défense d’impossibilité peut être utilisée pour plusieurs infractions, mais les critères sont assez sévères. Dans Montréal (Ville de) c. Sabbah, l’infracétion reprochée est celle de l’article 460 C.S.R. Le défendeur plaide qu’il n’a pas vu l’autobus scolaire parce qu’il y avait probablement un gros véhicule qui le cachait (sans pouvoir en donner la description). Le tribunal n’accepte pas sa défense d’impossibilité.
Dans Ville de Montréal c. Brisebois, l’infraction reprochée est celle de ne pas avoir porté sa ceinture. Le défendeur témoigne que le mécanisme était brisé. Il fournit des preuves comme quoi il l’a fait réparer cinq jours plus tard. Le fait qu’il ait choisi de se rendre au travail en sachant que le mécanisme ne fonctionnait pas l’empêche d’établir une défense d’impossibilité.
La défense d’impossibilité est aussi soulevée pour excuser l’infraction lors de conditions climatiques extrêmes. Encore une fois, l’article 330, qui oblige les usagers de la route à ralentir, s’applique. La défense d’impossibilité a été acceptée dans la décision Ville de Montréal c. Latulippe, dans laquelle l’accusé ne réussit pas à effectuer son arrêt obligatoire en raison d’une plaque de glace cachée sous la neige. Le juge de première instance l’acquitte. En appel, le juge conclut que les principes de la défense d’impossibilité ont bien été appliqués. La vitesse de l’accusée ainsi que sa distance de freinage montrent qu’il a tout mis en œuvre pour se conformer à la loi. (Le juge d’appel conclut que l’infraction doit bien être reclassée dans les infractions de responsabilité stricte mais se prononce tout de même sur la défense d’impossibilité).
6. DE MINIMIS NON CURAT LEX
Principe :
Cette défense veut que la loi ne punisse pas les choses les plus insignifiantes.
Précisions :
Dans la décision R. c. Freedman, la Cour Supérieure confirme l’existence de cette défense en droit canadien. Il s’agissait d’une infraction de voies de fait dans laquelle le défendeur n’avait que touché l’agent de stationnement. Dans cette affaire, le juge Vauclair élabore certains critères pouvant guider le tribunal dans l’application du principe de minimis non curat lex, critères qui ont été repris en matière pénale :
a) le caractère de l’accusé ;
b) la nature de l’infraction prouvée ;
c) les circonstances entourant l’infraction, incluant la motivation de l’accusé ;
d) le mal infligé par la commission de l’infraction ;
e) l’objectif spécifique visé par le législateur dans la mise en œuvre de la loi. ;
f) l’intérêt public.
Dans la décision Québec (Procureur général) c. Transport Robert (1973) ltée, le véhicule dépassait de 1.5 cm de chaque côté par rapport à ce qui était permis. Le tribunal acquitte le défendeur en appliquant le principe de minimis non curat lex. Il reprend les critères du juge Vauclair dans Freedman et en ajoute deux autres, soient :
a) l’application de ce moyen de défense ne doit pas déconsidérer l’administration de la justice.
b) une déclaration de culpabilité, considération les circonstances de l’infraction, pourrait choquer le public et miner sa confiance dans l’appareil judiciaire.
L’utilisation de cette défense pour quelques infractions :
Bien que peu commune, la défense de minimis non curat lex a été acceptée pour quelques infractions en matière pénale. Dans Ville de Sainte-Catherine c. El-Kheir, l’infraction reprochée est celle de l’article 443.1 C.S.R., soit l’usage d’un cellulaire au volant. La conductrice a, pendant un instant, regardé les indications du GPS sur l’écran d’un cellulaire tenu par la passagère. Le tribunal conclut que l’infraction a été commise puisque le bras de la passagère ne constitue pas un support. Il acquitte tout de même la défenderesse, puisque l’infraction est minime, qu’aucun préjudice n’a été causé et que l’infraction reprochée (avoir regardé l’écran tenu par une personne) s’apparente grandement à ce qui est permis (regarder l’écran sur un support). De plus, la juge affirme que le verdict de culpabilité face à ce geste pourrait miner la confiance du public envers le système de justice.
Dans Directeur des poursuites criminelles et pénales c. Boudreau, il s’agit d’une infraction de « car surfing ». Le défendeur ainsi que la conductrice témoignent de façon très crédible. La conductrice n’avait pas vu que le défendeur était sur le véhicule et la distance parcourue sur le chemin public n’a été que d’environ 5m. Le tribunal conclut que, même si l’infraction a été commise, le principe de minimis non curat lex s’applique. Il acquitte le défendeur.
Rappel : La défense de tolérance et l’erreur de droit ne sont pas des défenses recevables.
BIBLIOGRAPHIE
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